Estimer et optimiser la durée de vie des joints de canalisations grâce à des tests appropriés
Les pénuries d'eau provoquées par un nombre croissant de sécheresses mettent à l'épreuve les réseaux d'eau dans le monde entier. Des interdictions d'arrosage au Royaume-Uni au « jour zéro » en Afrique du Sud (instauré en cas d’interruption de l'approvisionnement en eau), il est clair que l'eau est une ressource précieuse et de plus en plus rare. De ce fait, il est d'autant plus important pour les réseaux d'eau qu'ils soient aussi efficaces et étanches que possible.
Les joints de canalisations d'eau et d'eaux usées ont considérablement évolué avec les années. Au départ, leur conception se limitait à un joint collé au solvant sur l'about mâle et la tulipe. Cependant, cela ne convenait pas aux canalisations de grand diamètre, d'où l'introduction des joints en caoutchouc. L'utilisation de joints « souples » en élastomère a permis d'absorber les déviations angulaires, les charges de cisaillement transversales et les déformations localisées des canalisations sans fuite ni rupture du joint.
Avec la généralisation des conduites en PVC-U, les joints en caoutchouc ont dû s'adapter pour préserver leurs performances. Du joint torique de base au joint à lèvre, ils sont devenus de plus en plus sophistiqués. Leur conception et leurs caractéristiques doivent être analysées de près pour garantir une performance d'étanchéité optimale.
Cependant, la seule composition du joint ne suffit pas à garantir l'etancheité. Les manipulations effectuées durant l'installation peuvent faire la différence entre un bon et un mauvais joint. Il faut trouver le juste équilibre entre un produit performant et un produit conçu pour faciliter la mise en place (force d'assemblage réduite, par exemple).
Performance des canalisations à long terme
Pour garantir une longévité optimale du système complet de canalisations, les ingénieurs doivent prendre en compte les impacts environnementaux de l'ensemble de l'infrastructure tout au long de son cycle de vie. Si de nombreuses études ont été menées sur les matériaux constitutifs des canalisations, les joints élastomères ont souvent été négligés.
Bien que considérés comme des composants mineurs du système global de canalisations, le coût des joints et des connecteurs représente moins de 1 % du coût total. Il est donc essentiel d'accorder aux joints de tuyaux l'attention qu'ils méritent. Ils doivent être rigoureusement testés pour mesurer leurs capacités, notamment la force d'étanchéité, la largeur de contact et la relaxation de contrainte, l'objectif étant d'établir une estimation leur durée de vie.
Normes relatives aux joints d'étanchéité
L'une des premières normes relatives aux garnitures de joints d'adduction d'eau et d'évacuation d'eau date de 1955[1]. La norme ASTM F477 pour les joints élastomères assemblés en plastique a quant à elle été publiée in 1976[2]. Elle a été suivie des normes ISO 4633 en 1984[3] et EN681 en 1996[4]. Toutes ces normes relatives aux matériaux servent de principes directeurs pour les exigences physiques de l'élastomère, notamment la classe de dureté, la résistance à la rupture et la relaxation de contrainte, pour n'en citer que quelques-unes.
L'assemblage de joints de tuyaux doit être parfaitement étanche tout au long de sa durée de vie. Pour atteindre cet objectif, l'un des facteurs déterminants est de faire en sorte que les caractéristiques physiques du joint installé puissent être maintenues aux niveaux requis ou à des niveaux supérieurs.
Avec le temps, la pression de contact diminue, du fait de la détente du joint caoutchouc. Dans le cadre de ce processus de relaxation lié au temps, le caoutchouc relâche une partie de l'effort de compression imposé du fait de la réorientation des chaînes de polymères. Cette réorientation est non-élastique et se traduit par une réduction permanente de la pression de contact, d'où une augmentation du risque d'infiltration et d'exfiltration.
Souligner l'importance des tests
Lors de la première mise en place d'un joint élastomère dans une jonction de tuyaux, un état de relaxation physique se produit pendant environ 30 minutes avant que la force d'étanchéité ne se stabilise. La valeur de cette force d'étanchéité est ensuite utilisée pour estimer la durée de vie effective du joint. En exposant l'élastomère à une série de températures élevées durant les tests, il est possible d'en déduire un taux de relaxation de contrainte et la température correspondante. Des estimations de la durée de vie à une relaxation de contrainte et une température données peuvent alors être effectuées. Ces relations peuvent être représentées par l'équation d'Arrhénius.
La valeur seuil de relaxation est fixée à l'aide d'une méthodologie ISO reconnue et éprouvée. Il s'agit de la relaxation maximale admissible pour une conception et une application données du joint. Le temps nécessaire pour atteindre cette valeur seuil est alors estimé. Globalement, 50 % de la valeur seuil de relaxation initiale est choisie sur la base des principes directeurs de l'ISO.
Les tests de la relaxation de contrainte doivent être menés par un organisme tiers compétent. Celui-ci est chargé de tester chaque élastomère « à l'aveugle », c'est-à-dire sans savoir quelle entreprise l'a fournie. Cela permet de garantir des procédures de test optimales, assurant la transparence et des résultats crédibles.
Ces tests sont menés notamment par Elastocon AB (Suède), considéré comme l'un des leaders mondiaux de la réalisation et de la fourniture d'équipements de tests de relaxation pour élastomères. L'organisme a eu recours à la méthodologie ASTM et ISO pour mettre au point un programme utilisant un échantillon de composants prélevés parmi des joints existants en circulation sur le marché. Tous les tests sont réalisés à l'aveugle sans qu'Elastocon connaisse l'origine de l'élastomère testé. Ce procédé permet de garantir des procédures de test optimales, assurant la transparence et des résultats crédibles.
Le tableau ci-après montre les résultats de tests menés en 2018 et met en évidence la qualité des joints Trelleborg :
Le temps estimé avant une diminution de 50 % de la relaxation de contrainte peut sembler extrêmement long et inutile pour certaines applications. De nombreux propriétaires de réseaux recherchent actuellement des durées de vie des canalisations de 120 ans, mais en réalité, personne ne sait combien de temps les systèmes seront en place.
Si l'on se réfère au rythme actuel de remplacement des systèmes dans certains pays, la durée de vie des pipelines doit être supérieure à 800 ans ! Compte tenu du rythme actuel de renouvellement des systèmes, il semble raisonnable de viser une durée de vie de 500 ans.
Qualité du matériau
La qualité, la formulation et le traitement du matériau peuvent influer énormément sur sa performance d'étanchéité dans le temps. Les matériaux de haute qualité se distinguent par une plus faible relaxation, donc une durée de vie plus longue.
Le matériau optimal doit avoir un fort taux de polymère, offrir une faible relaxation, une bonne densité de réticulation et une bonne vulcanisation. Lorsqu'ils sont correctement installés, les matériaux haute performance appliquent la pression de contact nécessaire pendant plus de 100 ans.
Conclusion
À une époque où la consommation d'eau est de plus en plus regardée à la loupe, il est important de rechercher des moyens efficaces pour économiser cette ressource et améliorer l'efficacité des réseaux d'eau. Il est possible de reléguer au passé les fuites des réseaux en accordant suffisamment d'attention à la partie la plus fragile, à savoir les joints.
Un matériau élastomère de qualité supérieure, qui a été soumis à des tests rigoureux en vue d'établir sa conformité aux normes de l'industrie, offrira une durée de vie étendue. En outre, la pression de contact du joint restera fiable et le risque d'infiltrations et d'exfiltrations sera réduit.
Compte tenu de la lutte perpétuelle que doivent mener les propriétaires de réseaux, les ingénieurs et les sous-traitants pour réparer les réseaux vieillissants et éviter les fuites, les trous et autres difficultés majeures, l'heure est venue de privilégier des solutions de gestion des ressources en eau durables permettant de réaliser des économies.
[1] BS 2494:1955 Joints caoutchouc pour conduites de gaz, conduites d'eau et assainissement
[2] ASTM F477 : 14 Spécification standard pour joints élastomère pour l'assemblage de tuyaux plastiques
[3] ISO 4633 : 2015 Joints caoutchouc. Joints de canalisations d'adduction d'eau et d'assainissement
[4] EN 681 : 1996 Joints élastomères Spécification des matériaux pour joints de tuyaux utilisés dans l'adduction d'eau et le drainage